vendredi 18 mai 2012

Critique de "VIRUS L.I.V. 3 ou la mort des livres"


"VIRUS L.I.V. 3 ou La mort des livres" est un roman de science fiction de Christian Grenier, un auteur français.
Dès l’incipit, pertinemment choisi, le lecteur est renseigné sur le sujet et le temps de l’histoire. En effet, le lecteur est plongé dans un  monde futur où la république des lettres a imposé ses lois. Les écrans sont interdits. La population doit s’adonner à la lecture et à l’écriture qui deviennent un devoir. C’est la république des lettres qui dirige la société
Allis est élue à l’Académie après avoir écrit un roman « Des livres et nous ». Elle doit approcher les Zappeurs et découvrir celui qui a mis au point le virus qui détruit les livres. Allis découvre que Lund, fils d’Emma, un membre de l’Académie, est chef des Zappeurs. C’est de lui qu’elle est tombée amoureuse en lisant Le Fils disparu. La grande surprise pour elle, c’est que c’est lui-même qui se cachait derrière Mondaye, la fille avec laquelle elle communiquait. Lund se livre à l’Académie et propose une solution pour combattre le virus.
Si tout texte littéraire est implicitement un hommage à la littérature, ce texte de Grenier l’est explicitement. Il ne s’agit pas seulement d’un hommage à Bradbury mais toute la littérature est honorée puisque tout est littéraire dans ce livre. Grenier a l’idée originale d’associer des personnages romanesques avec leurs créateurs pour nommer ses propres personnages, c’est ainsi qu’Allis L.C. Wonder est une allusion à « Alice aux pays des merveilles » de Lewis Carroll, comme il y un chapitre intitulé « Allis au pays des Zappeurs ». Pour mener sa mission, elle se cache derrière une fausse identité : Claudine C.W. Sido en référence à l’écrivaine Colette. Emma G.F. Croisset renvoie à Gustave Flaubert et son personnage célèbre Emma Bovary. Colin B.V.  Chloé fait référence à « L’écume du jour » de Boris Vian. Rob D.F. Binson rappelle « Robinson Crusoé » de Daniel Defoe. Céline L.F. Bardamu est une allusion significative à l’auteur de « Voyage au bout de la nuit » et de son personnage central.
La mention des œuvres  marquantes de la littérature est un fait marquant. C’est ainsi que plusieurs titres sont cités (La peste, Le Grand Meaulnes, Eugénie grandet, La métamorphose…). Par ce biais, l’auteur invite le jeune lecteur à s’intéresser davantage à la lecture et à la recherche. Cette invitation est formulée par le procédé de la mise en abyme qui permet de passer de l’histoire que traite le livre à d’autres univers des autres textes littéraires.
Le roman aborde des sujets importants. La dictature est illustrée par les lois, instaurées  par l’académie, qui privent les membres de la société de la liberté. Le désir de Céline de faire voter des lois contre les Zappeurs montre sa haine et son rejet de la différence. Elle a un esprit de belligérance qui n’arrange rien pour un monde de paix.
Dans la vie, il n’y a pas seulement la littérature et les livres mais aussi les devoirs d’un autre ordre. Ainsi Emma a failli à son devoir de mère pour se consacrer entièrement aux lettres. Son fils lui reproche : « Pourquoi ne m’as-tu pas fait soigner ? ». Attitude qu’elle va regretter puisque Lund, voyant qu’elle est indifférente à ses besoins, la quitte pour le camp adverse alors qu’il est, normalement, destiné à être un lettré.
Les nouvelles technologies que les Zappeurs défendent et développent, en dépit des lois de la république, montrent à quel point on ne peut se passer de ces nouveautés. Ce sont des nouveautés au service de l’humanité, thèse que prouve et défend le roman.
Un sujet hyper sensible est celui du handicap. L’auteur a conçu ses deux personnages principaux avec des handicaps. Allis est sourde et muette alors que Lund est aveugle. Leur rôle est capital dans le rapprochement entre les deux mondes, celui des lettrés et celui des Zappeurs. C’est tout l’espoir qui est mis en avant dans un monde caractérisé, de plus en plus, par l’hostilité entre les humains.
On va de rebondissement en rebondissement dans ce texte, c’est ainsi qu’on est surpris par l’explication de Lund sur le virus qui est conçu non pas pour tuer les livres mais pour rendre la lecture accessible à tous. Le lecteur, au début, construit une idée fausse sur les Zappeurs pour se rendre compte, vers la fin du roman, que cette partie de la population est capable d’apporter une plus value pour la société.
Le texte est mouvementé et dynamique en raison des interventions directes des personnages. Les dialogues structurent le récit du début à la fin. Ce mouvement est un facteur essentiel pour accrocher le jeune lecteur qui préfère un échange entre les personnages au lieu d’une narration sèche et difficilement digestible pour lui. C’est cette fluidité qui assure la  réussite d’un texte auprès du lectorat jeune, y compris les adultes.
La narration à la première personne du singulier, à travers le personnage principal  qui relate cette histoire, maintient plus l’attention du lecteur. Cette adoption du point de vue interne lui permet de se sentir plus proche du personnage. Et pour que son texte soit plus accessible, Grenier l’a réparti en plusieurs chapitres avec des titres résumant explicitement le contenu. Et pour ne pas perdre le lecteur, les étapes de l’histoire respectent l’ordre chronologique.
Le monde des livres et l’univers de l’écran et de l’image ne sont pas antinomiques. C’est dans une complémentarité qu’ils offrent à l’homme toute la chance de s’épanouir. Le roman apporte des exemples significatifs. Quand elle est emprisonnée par Céline,  Allis retrouve Emma via le roman  Les Feux de la passion et communique avec Lund dans Fahrenheit 451 grâce au virus L.I.V 3.
Allis et Lund trouvent une solution à leurs handicaps grâce à ces deux mondes, d’abord la littérature et et le mode de lecture interactive virtuelle que permet le virus, et ensuite la communication que leur facilite la technologie. C’est dire la complémentarité de ces deux créations  humaines  au service de l’humanité.
Si dans ce texte le pouvoir est aux mains des lettrés qui interdisent l’écran, dans « Fahrenheit 451 » c’est le contraire qui arrive, l’intrigue est inversée : les livres sont interdits et l’écran est un outil dont se sert le pouvoir pour gouverner. Ce texte peut être lu comme une suite au texte de Bradbury : les érudits prennent le pouvoir et deviennent revanchards après avoir subi la marginalisation lors de la dictature de l’écran et de l’image (dans Fahrenheit 451).
L’histoire est simple et bien structurée. C’est un livre qui se lit vite. La leçon du roman est que l’absence de communication engendre la guerre. C’est en faisant l’effort d’écouter l’autre partie et de la comprendre dans sa différence (ici c’est le rôle d’Allis) que la paix et la réconciliation deviennent réalité. La littérature est un vecteur pour cette entente d’où l’hommage que lui rend Christian Grenier, hommage qu’il a réussi avec brio.

mercredi 16 mai 2012

La délicatesse


Le début du roman nous décrit la vie d’un couple heureux. Le bonheur que tout un chacun espère vivre toute sa vie. Autrement dit, cette situation illustrée dans le roman est tout à fait banale pour un lecteur avéré. Seulement avec un tel calme et une telle sérénité, le lecteur s’attend au surgissement d’un événement qui va balayer cet état et installer un climat différent même provisoirement. Un roman où rien n’arrive de bouleversant est rarement porteur de succès.
Comme dans la vie, dans ce roman la fatalité intervient. Nathalie perd son mari et affronte le vide. Comment va-t-elle se reconstruire ? Peut-elle dépasser ce stade après avoir perdu, à jamais, une partie d’elle ? Arrivera-t-elle à oublier son mari et refaire sa vie avec quelqu’un d’autre ? Comment l’auteur va-t-il développer ce récit tout en captivant le lecteur ?

Charles pêche dans des eaux troubles. Peut-être il agit bien pour Nathalie qui doit laisser son passé derrière elle et continuer sa vie. Certes l’affaire n’est pas simple, mais elle ne peut pas continuer à se priver des moments heureux. L’expérience douloureuse qu’elle a vécue la laisse effrayée à l’idée de s’embarquer dans une nouvelle relation. Mais la nature va prendre le dessus et Nathalie ne peut qu’être objet de cette nature humaine face à laquelle elle ne peut rien. L’humain a besoin de l’autre pour vivre.
Le personnage de Charles incarne l’homme malheureux. Il a un statut, une femme, une fille mais il lui manque quelque chose, du sel dans tout ça ! Nathalie ne le laisse pas indifférent. Il est tombé sous son charme. Il essaye vainement un rapprochement. Il lui dit: « Je ne te plais pas, c’est ça ? » et puis quoi encore ? À ce point ? Il ne te reste qu’à t’agenouiller pour l’implorer de t’aimer. Ton cas est délicat.  Prends un peu de hauteur, tu es très bas. Essaye de remédier à ton cas, à ta vie  « conjucalme » avec ta femme.
Et Nathalie de répondre : « Non, tu ne me plais pas ». Cette réponse peut être utile pour le rapprochement entre François et sa femme Laurence.
Chloé va avoir un rôle considérable pour le retour de Nathalie à son état normal d’une femme. Au lieu de sombrer éternellement dans son deuil, Nathalie va, grâce à  Chloé, retrouver ses désires et ses envies d’autres fois.
Physiquement désagréable, Markus entre en scène. Que va-t-il se passer ? Nathalie continuera-t-elle à s’accrocher à ses souvenirs après trois ans de deuil?
Markus est devant elle, elle l’embrasse longuement sans qu’il ne comprenne rien (Le pauvre en oubliera le code d’accès de son immeuble). Elle ne comprend pas non plus ce qu’il lui arrive. Il l’invite à un dîner. Elle  accepte. Elle  passe une belle soirée. Elle le trouve marrant, différent des autres.
Plus les autres trouvent que Markus ne lui correspond pas, plus elle est attirée par lui. L’agitation au sein de l’entreprise est telle, à cause de leur rapprochement, qu’ils décident de prendre la fuite et se libérer de ce climat oppressif.
Évidemment, comme la majorité des lecteurs je suppose, ce roman m’a touché non pas parce qu’il s’agit d’un roman sentimental mais parce qu’il donne l’occasion de réfléchir sur le deuil et de mesurer à quel point la vie, après la perte d’un être cher, est difficile. Heureusement il y a le temps qui, petit à petit, cicatrise les blessures mais sans les faire oublier.
 Le passage que j’ai aimé et le suivant :
«  Et fut saisie tout particulièrement par la vision du marque-page. Le livre était ainsi coupé en deux ; la première partie avait été lue du vivant de François. Et à la page 321, il était mort. Que fallait-il faire ? Peut-on poursuivre la lecture d’un livre interrompu par la mort de son mari ? »
Dans ce passage, le mot livre peut être assimilé au mot vie. Avec la perte d’un proche, on a l’impression que la vie s’arrête, mais seulement on a l’impression parce que la mort fait partie de la vie. Chacun de nous préfère vivre  sans souffrir, mais  faut-il s’arrêter de vivre avec la perte d’un être cher ?

Histoire fantastique


La seconde résidence (ou L’inconnu)

Ali est un lycéen de dix-sept ans. Il vit en ville avec sa famille. C’est la fin de l’année scolaire. Cet adolescent a hâte de profiter de ses vacances au bord de la mer, mais il doit attendre que toute la famille soit prête. Son père ne prend son congé que dans deux semaines.
Une semaine s’écoule loin de l’école sans qu’Ali ne goûte aux vraies vacances. Il décide de devancer sa famille et d’aller tout seul à leur deuxième résidence sur la cote à une cinquantaine de kilomètres de la ville. Avec une insistance digne d’un grand diplomate, il obtient l’accord de ses parents de partir. Il n’y a rien à craindre puisque tout le monde, là-bas, le connait à force d’y séjourner chaque année. Il peut solliciter l’aide des voisins en cas de besoin. En plus, il ne s’agit que d’une semaine et le temps passe très vite.
À son arrivée, Ali passe toute la journée à nettoyer, il  ouvre toutes les fenêtres pour aérer la maison. Sa famille doit être surprise par la propreté des lieux.
Toutes ses journées, Ali les passe sur la plage. Il participe aux différents jeux organisés par les estivants et ne fait qu’un petit break d’une heure pour renter à la maison  prendre son déjeuner. Vers dix-huit  heures, il rentre prendre une douche rapide pour se débarrasser du sel de la mer. Après une collation, il va errer sur les sentiers, profitant d’une température moins lourde. La verdure qu’offrent les champs de luzerne et de maïs, qui caractérisent la chaude saison lui enlèvent toute la fatigue accumulée à la plage. Que c’est un délice de manger les figues après les avoir récoltées soi-même et lavées dans les petits ruisseaux tout en jasant avec les campagnardes qui affichent une curiosité démesurée aux personnes étrangères ! Oui, Ali aime bien lui aussi parler ; il est loquace. Il a la tchatche, disent ses copains de classe.
C’est le vendredi, la veille de l’arrivée de sa famille. Ali allonge sa soirée avec des jeunes de son âge sur la plage. Ils sont cinq jeunes autour d’une table à parler de tout et de rien ; chacun  étale ses prouesses, les vraies et les fausses pour créer, chez les autres, étonnement et admiration. Ali est excellent dans le jeu, ce qui le fait tarder à rentrer.
Avec une tête lourde, Ali franchit le seuil de la maison et se dirige directement vers sa chambre. Il ne peut pas attendre, l’appel de la couette est plus fort. D’habitude, dans son lit, il entend la musique qui retentit sur la plage se trouvant seulement à deux cents mètres. Les bruits des vagues arrivent jusqu’à ses oreilles pour lui murmurer leur perpétuel suicide. Cette nuit-là, rien de cela n’arrive. Mais un soupçon de bruit provient de près, de sa chambre. Y a-t-il quelqu’un ? Ali s’enfonce dans sa couette, son cœur commence à battre, il n’ose plus envoyer sa main sur le commutateur qui se trouve au-dessus de sa tête. Une présence est là. Elle est de plus en plus présente. Il la sent. Il sent quelque chose l’épier. Que faire ? Son cœur continue à battre très fort. Il le sent se balader dans tout son corps. Soudainement, le bruit  cesse. Ali sort sa tête de la couette, essaie de voir ce qui se trouve là, en face de lui mais il fait nuit et ne peut rien distinguer. Il tend sa main vers le bouton, malheureusement la lampe d’éclairage ne répond pas. Il entend la porte s’ouvrir et se fermer le temps que l’inconnu sorte. C’est une vérité, il était là, quelque chose était là, dans sa chambre, à quelques centimètres de son lit.
Quelqu’un s’est introduit dans la maison. Comment a-t-il fait ? La porte était bien fermée. Ali est sûr maintenant. Il réessaie, sans succès, de déclencher la lumière. Une lumière vient du salon et pénètre dans sa chambre par le dessous de la porte. La peur le regagne. Il s’agrippe à je ne sais quel vide. Il faut qu’il crie de toutes ses forces pour alerter les voisins dont la maison est à une trentaine de mètres de chez lui. Il doit le faire quand même. Mais aucun son, aucune voix ne sort de sa gorge. Il tremble maintenant de tout son corps, son lit grince, une sueur froide l’envahit. Il s’accroche à sa couette avec toutes ses forces. Il se rappelle que dans les situations difficiles il n’y a qu’à prier dieu, mais quel dieu ? Comment va-t-il faire ? Le Coran est à son chevet et il suffit qu’il le touche, mais à côté il y a aussi un autre livre, celui de Salman Rochdi « Les versets sataniques ». Il se débat pour se calmer mais ne réussit pas. Il n’arrive pas à apaiser ses membres qui deviennent objet d’un tremblement terrible.
Dans le salon, il y a de la vie ; il entend la télé, des paroles qu’il n’arrive pas à comprendre. Les pleurs d’un bébé et des rires le font comprendre qu’il y a plus d’une personne, peut-être toute une famille d’inconnus. Le bébé continue de pleurer, ses cris deviennent de plus en plus forts comme s’il recevait des piqures d’abeille ou des décharges électriques. La chambre commence à tourner. Les meubles subissent le mouvement et s’entrechoquent. Ali devient un de ses objets, il perd tout contrôle. Il s’évanouit…
Au réveil, les yeux d’Ali rencontrent le regard d’une femme toute nue en face de lui. Elle semble le défier par la puissance de son regard. Puis, il se rend compte de la présence de deux hommes à côté d’elle bien indifférents, mais eux, par contre, sont bien habillés. Il ne comprend pas ce qu’il voit : des arbres, une autre femme qui prend son bain dans un un ruisseau qui coule pas loin de l’endroit où sont assis les deux hommes et la femme sans habits. Pourquoi est-il là, proche de cette scène surréaliste ?  C’est un rêve ou une réalité ? Mille et une questions lui taraudent l’esprit encore en état de flottement. Il regarde autour de lui et  découvre qu’il est bien dans sa chambre mais pas à sa place, dans son lit. Il est allongé sur le sol où des habits trainent donnant l’impression qu’une meute de chats a sévi là. Tout est clair puisque ’ouverte, la fenêtre laisse entrer la lumière du jour. Il jette un regard sur l’horloge et découvre qu’elle s’est arrêtée sur trois heures onze minutes.  Il remet ses yeux dans la  direction de la femme nue et n’aperçoit que le tableau de Manet « Le déjeuner sur l’herbe » qu’il avait fixé le premier jour de son arrivée.
On sonne. Vite, ça doit être sa famille qui arrive.

L'étrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde


  Utterson, un notaire, décide de mener une enquête sur un rapprochement entre deux personnes apparemment « irrapprochables ».  Quel lien entre son ami, l’éminent et respectueux docteur Jekyll et un type inspirant la peur ? La noblesse du docteur Jekyll ne correspond pas à ce nommé M. Hyde dont l’apparence suscite des interrogations. Pourquoi cette étrange personne est mentionnée comme héritier dans son testament? C’est vraiment mystérieux ! Inquiet (c’est de l’amitié), Utterson se lance dans sa nouvelle fonction d’enquêteur.
On se plonge dans un univers sombre où la peur rôde, en tournant la page on regarde vers les coins de la salle au cas où ce hideux M. Hyde n’y serait pas tapis. C’est un criminel, un assassin un monstre. Il peut surgir à tout moment.
L’intrigue est conçue de manière à ne pas laisser le lecteur  émettre un doute par rapport au lien entre docteur Jekyll et M. Hyde. Le suspense reste de mise jusqu’au dernier moment.
 Docteur Jekyll est allé loin dans ses expériences fantastiquement scientifiques qu’il lui est difficile de se libérer de sa création. Séduit et charmé par ce pouvoir créateur, il finit par en devenir esclave. Il prend conscience des dangers de son double mais c'est trop tard pour renverser  cette situation. Le côté sombre et bestial de sa personnalité prend le dessus.
 J’ai apprécié le récit de Docteur Jekyll qui développe et explique sa vie. Ce récit invite le lecteur à se poser des questions d’ordre philosophiques
«  Jour après jour, à la fois par le côté moral et le côté intellectuel de mon esprit, je m’acheminais régulièrement vers cette vérité dont la découverte partielle devait me condamner à un si terrible naufrage. L’homme, en arrivais-je à conclure, n’est pas un être unique, mais un être double, je dis double parce que ma propre connaissance ne va pas au-delà de ce point ».
Cette histoire soulève la question du dédoublement de la personnalité qui caractérise chaque individu à des degrés différents. Le mal et le bien s’affrontent et de cet affrontement l’identité de la personne jaillit.
Moi, je me pose une question quant au choix de Stevenson de donner à M. Hyde un aspect détestable. Je pense qu’avec un physique agréable ou normal, le personnage aurait réussi sa mission mieux qu’il ne l’ait fait. Je dis cela parce que je garde de ce personnage sa laideur, son apparence répugnante au détriment de ses actes criminels. Ce sentiment est dû aussi à une description très réduite autour de ce personnage (peu d'informations sur ses déplacements nocturnes). Je ne sais pas si l’on partage cet avis avec moi.
Une autre idée me vient à l’esprit : Si M. Hyde était une femme, cela aurait apporté un équilibre à l’histoire puisque la femme y est absente.
Stevenson a bien réussi son travail. Moi qui avais une certaine "mésenvie" à entamer ce texte parce que je connaissais le lien entre le docteur Jekyll et M. Hyde, j’ai pris beaucoup de plaisir à caresser les pages de cette histoire.

mercredi 4 avril 2012

A la brocante du cœur

C’est la fin de l’année scolaire. Jason, douze ans, réfléchit à sa première journée loin des locaux de l’école. Alors que l’on s’apprête à vivre avec lui sa journée, on est surpris de la mort d’Alicia, une fille de sept ans que Jason apprécie. Mais qui l’a tuée et pourquoi ? Jason  a passé l’après-midi avec elle. Il est très touché par le sort de cette jeune fille.
La machine judiciaire se met en branle. Font leur apparition l’inspecteur George Braxton et le sénateur Harold Gibbons. Ce dernier affirme : « la ville a besoin d’une arrestation ». Une question s’impose alors : pourquoi «  une arrestation »  (un groupe nominal orphelin. Un déterminant indéfini + un nom sans complément) au lieu de «  l’arrestation du coupable » ?...
Puisque Jason est  le dernier à avoir vu Alicia, il est interrogé, chez lui, par l’inspecteur Bruxton. Aucune preuve n’est à la charge de quiconque. Un mystère. Un mystère que la justice ne va pas prendre la peine de percer. Elle a Jason comme suspect et elle va le faire avouer. Bruxton est convaincu que l’enfant est coupable.  La mission est confiée à Trent, un spécialiste de l’interrogatoire. Il fera son travail moyennant une récompense alléchante : « Faites l’addition vous-même » lui dit le sénateur.
L’interrogatoire est impitoyable. On dirait que l’on est face à un adulte criminel bien accompli : « Il faudrait manœuvrer plus prudemment ». Ici, l’objectif est de faire avouer Jason d’un fait qu’il n’a pas commis. Le garçon répète qu’il n’a rien d’autre à ajouter et qu’il est fatigué mais Trent enchaîne avec des questions qui dépassent l’esprit de l’enfant. Il ne peut plus, ce garçon.
Malgré son intime conviction de l’innocence de Jason, Trent continue son acharnement. L’enfant vient aider la police, mais on lui propose de l’aider. C’est un accusé et il risque gros. Avec cette violence psychologique subie, cette manipulation, cette position de faiblesse et l’endroit étouffant de l’interrogatoire, on sent que Jason va dire une grosse et épaisse bêtise pour se libérer, une parole dont il ne peut mesurer les conséquences. Le moment présent est une éternité, autant en finir en faisant entendre ce que Trent veut entendre.
Que c’est difficile pour le lecteur de terminer la deuxième partie de ce roman.
 Que le coupable de la mort d’Alicia soit découvert  n’a pas d’importance.
Trent, un actant monstre, a opéré un changement sur Jason, un enfant innocent. Il l’a tué et remplacé par un autre Jason, une créature de l’homme inhumain.
            Trouvez-vous qu’il s’agit d’une fin heureuse ?

mardi 3 avril 2012

Le livre qui dit tout



 


Normalement un enfant doit être heureux mais, hélas,  notre Thomas ne l’est pas et  aimerait bien l’être plus tard. La religion est lourdement présente dans ce roman, elle écrase l’enfant ainsi que sa petite famille. Le dimanche, pour lui, est un jour de trop comme chez Jules Laforgue (Les dimanches), mais qu’est-ce qu’on s’ennuie !
La mère qui veut savoir pourquoi  le père demande-t-il à son fils de se lever de la table reçoit  la première réponse du Pharaon : « Parce que je l’ai dit » ; la deuxième est une gifle parce qu’elle essaye de défendre son fils. S’ensuit l’épisode de la fessée… Une fessée qui n’est pas celle venue de la main de Mlle Lambercier et qui a donné du plaisir au petit Jean Jacques Rousseau, c’est une torture qui fait davantage noircir l’image du père chez l’enfant.  Ici, le petit Thomas se trouve devant un paradoxe difficile à expliquer, c’est celui de la bonté de dieu et la méchanceté de celui qui se réclame fidèle à ce même dieu qui, apparemment,  n’a pas d’yeux pour voir ce qu’endurent l’enfant et sa maman. Peut-être est-il mort  ce dieu comme l’annoncera  l’enfant à Jésus !
Quelques questions s’imposent : est-ce que ce père de famille va-t-il se remettre en question ?  Comment  mettre fin aux actes de ce tyran et permettre à cette famille de trouver la paix ? Ce père ne serait-il pas victime d’une lecture erronée de la religion ?
Les femmes sont bien présentes  pour apporter amour et lumière à Thomas. On signale le rôle de madame Van Amersfoort qui s’intéresse aux lettres (mais qui doit s’intéresser aussi à mettre de l’ordre chez elle). L’idée de la réunion du club de lecture chez la famille de Thomas est trop géniale. « Et nous serons la bonne plaie. Celle contre laquelle le pharaon ne pourra rien » dit madame Van Amersfoort à Thomas qui est inquiet d’une telle  idée.
Je prends de plus en plus du plaisir à  lire des romans destinés aux jeunes, moi qui avais un regard un peu hautain sur cette littérature. Cela est, évidemment, rendu possible grâce au cours de littérature de jeunesse.

Genesis



                          
Les deux grosses têtes de notre ………………………………………le chimpanzé sur la première de couverture ne me donne pas envie d’ouvrir le livre. Peut-être me trompé-je, mais l’a priori est déjà là. On se plonge dans une ambiance solennelle d’un examen où Anax doit faire face à un jury pour défendre sa thèse sur la vie et l’œuvre d’Adam Forde. Histoire ! J’adore. C’est parti pour faire connaissance avec ce personnage d’Adam Ford. Serait-il un vrai héros de ce roman ? Suivons l’examen d’Anax et prêtons-lui une oreille attentive.

La vie d’Adam Forde se situe entre  2058 et 2077. Sa naissance survient sept ans après la restauration de la République de Platon, mais qui est ce Platon ? Y a-t-il un rapport entre un monde futur et un philosophe grec  qui a écrit un ouvrage célèbre qui s’appelle La République ? Cette République est-elle une application des idées  du philosophe?

La république dont il est question dans cet ouvrage est fondée sur l’île Aotearoa par une personne, nommée Platon, qui a fait fortune dans la technologie de l’hydrogène. Avec la détérioration des relations entre les grandes puissances du monde et l’imminence d’une guerre destructive, ce Platon  a réussi un système de défense extraordinaire: La grande Barrière Maritime qui isole l’île et la sauve de la Grande guerre. La République est devenue le seul endroit habitable et sa Grande Barrière le théâtre d’abattage des derniers humains qui s’accrochent à la vie. Commence alors l’organisation d’un système spécifique qui permet la sauvegarde de l’Etat. (L’individu n’a pas d’importance face au collectif, le destin de chacun est écrit d’avance selon le rang de naissance)

Anax expose son point de vue et relate la vie d’Adam. Celui-ci fait partie de ces sentinelles qui surveillent la ligne de la grande barrière Maritime, mais au lieu de se comporter comme ses collègues, il manifeste des idées humaines qu’il assume. Il sauve une jeune femme qui s’approche de la barrière. Parce que la population commence à mettre en cause les principes même de la République, Adam Ford n’est pas condamné à mort comme le stipule la loi de la République mais écope seulement d’une punition d’être le compagnon d’Art, un robot mis au point par le philosophe William et dont le développement nécessite l’interaction humaine. On assiste à un huis-clos où Adam dialogue et échange d’une manière tendue avec la machine. Malgré quelques réparties plaisantes, je n’ai pas aimé cette partie centrée sur des thèmes philosophiques tels que la conscience, le libre arbitre et le différence entre la machine (création humaine) et l’humain (issu du hasard)…

Je dois dire que la chute de ce livre est vraiment surprenante.

Je sacrifie quelques secondes à contempler les deux têtes de la première de couverture avant d’abandonner le livre et le ranger là où mon regard ne peut l’atteindre.